D’après l’Insee, en 2022, en France, l’inflation s’élevait à un taux moyen de 5,2 %. Pour le compte de 2023, l’institution explique que la tendance sera encore à la hausse et un pic sera observé durant les premiers mois. Et pour cause, le bouclier tarifaire en place est trop faible et empêche les prix de l’énergie de diminuer sur plusieurs mois.
On est sûr d’une chose : l’année 2022 sera considérée comme l’année de l’inflation parce qu’elle fait suite à la période post-covid et à la guerre en Ukraine. Depuis le mois de février 2022, les prix des produits ont atteint des niveaux record jamais atteints ces dernières années.
Le 13 janvier 2023, L’Insee montre des chiffres qui n’ont que très légèrement régressé. 5,9 % pour décembre 2022 contre 6,2 % pour novembre 2022. Ces dernières statistiques ne viennent que confirmer les prévisions de l’institut pour le mois de décembre.
Mais Charlotte de Montpellier, économiste d’ING, révèle dans La Tribune que les statistiques de décembre sont assez surprenantes. En effet, s’il a été observé une légère baisse de l’inflation dans ce mois, c’est parce que les différents marchés du gaz et du pétrole ont connu de légers bouleversements. De fait, l’année s’est terminée sur une note plus positive que prévu. Mais, rien n’indique que cette tendance va se poursuivre. L’économiste affirme que le pic de l’inflation est encore à venir. D’ailleurs lorsqu’on observe les données à venir, on comprend mieux ses propos.
En effet, en 2021 le taux d’inflation avait progressé de 1,6 %. Mais l’année suivante, il a connu une augmentation de 5,2 %. Jean-Luc Tavernier, directeur général à l’Insee, expose vendredi dernier sur LinkedIn que l’inflation a connu une hausse de 5,2 % chez tous les ménages français, et de 6 % chez environ 20 % des familles les moins fortunées (et c’est cet indice qui a été utilisé pour indexer le SMIC). Il explique également que l’énergie n’en fait qu’à sa tête. Les prix ont connu en moyenne une augmentation de 23,1 % en 2022. Le pétrole et ses dérivés ont progressé de 29 % et le gaz de 41 %. Toutes ces augmentations se sont effectuées malgré le bouclier tarifaire mis en place.
Les prix sur le marché de l’énergie vont ralentir et ceux du marché alimentaire vont se stabiliser sur une année
En se référant aux tendances enregistrées sur les derniers mois de 2022, il est possible de soupçonner un ralentissement de l’inflation sur le marché de l’énergie. En effet, l’augmentation observée en décembre était de 15 % contre 18,4 % le mois de novembre. Ainsi, à la fin de l’année 2022 la plupart des produits de l’énergie (gaz, électricité, pétrole) ont connu un ralentissement. La principale raison de ce phénomène est la baisse des demandes d’énergie dans certains secteurs, soutenue par des températures plutôt clémentes avant l’hiver. Michel Martinez, économiste à la Société Générale, explique à des journalistes pendant une réunion qu’une certaine détente s’est fait sentir au niveau de l’énergie en fin d’année. Le pays a recommencé à commercialiser l’électricité hors de ses frontières. Par ailleurs, on dispose de stocks bien fournis en gaz. La forme liquéfiée s’est en partie substituée au gaz russe.
Du côté de l’alimentation, on note une stabilisation des prix avec un taux d’inflation resté à 12 % durant les mois de novembre et de décembre. Julien Pouget, chef département de la conjoncture, a expliqué sur Twitter que la contribution de l’alimentation est restée élevée au moment où celle de l’énergie s’est mise à refluer. Parlant des services, les prix se sont légèrement réduits (3 % à 2,9 % de novembre à décembre).
Cependant, l’inflation subjacente est toujours élevée
Outre les prix qui sont volatils à savoir ceux de l’alimentation et de l’énergie, on remarque qu’en novembre et en décembre 2022, l’inflation subjacente est restée la même soit 5,3 % (un taux assez élevé). Cette stabilité a pour conséquence l’exercice d’une certaine pression sur les ménages français tout au moins durant les premiers mois de 2023. D’ailleurs, Michel Martinez nous prévient que l’inflation sous-jacente restera assez forte en 2023, dans toute la zone euro. Ses dernières prévisions présentent un scénario dit de « stagflation ». Selon lui, en Europe, l’inflation subjacente va rester forte encore quelques années, pendant que la croissance est modérée. Un tel scénario ne serait pas catastrophique, a-t-il dit. Il ne ressemble en rien au scénario observé au moment de la crise pétrolière de 70. À cette époque, après les 30 glorieuses qui furent une période faste, la France avait enregistré une croissance atone et une consommation morose durant plusieurs années.
Le pic de l’inflation attendu durant les trois premiers mois de 2023
La Banque de France et l’Insee sont d’avis que le pays connaîtra un pic les trois premiers mois de l’année 2023. Le fait est que si le bouclier tarifaire en place connaît la moindre progression et que la ristourne appliquée sur les prix du carburant est levée, on observera une augmentation des pressions qui provoquent l’inflation sur l’économie tricolore. Les mots de Charlotte de Montpellier sont clairs : au début de 2023, de nombreux ajustements sont attendus. On devrait également ressentir les retombées de l’augmentation du bouclier tarifaire. Le pic observé atteindra-t-il les 7 % ? On l’ignore. Mais une chose est sûre, un pic sera observé au premier semestre. L’économiste d’ING le stipule très clairement.
Au second semestre, les économistes s’attendent à un ralentissement de l’IPC (indice des prix à la consommation). Toujours selon l’économiste, l’inflation devrait ralentir et passer à 5 % durant la seconde moitié de l’année. Elle explique qu’il ne faut pas oublier les pressions inflationnistes et leur impact sur l’alimentaire. Il faut aussi garder à l’esprit la pression qui sera exercée sur les salaires si le SMIC est à nouveau indexé. Malgré tout, en 2023, la France pourrait bien figurer dans le top des pays de l’Europe les plus touchés par l’inflation. Charlotte de Montpellier précise d’ailleurs à cet effet que les autres pays ont pour la plupart déjà ressenti une grosse vague d’inflation et s’en remettent. La France risque donc d’être le pays qui va tirer les chiffres vers le haut en Europe en matière d’inflation.
La BCE est sous pression
Face à la situation d’inflation mondiale, la majorité des banques centrales de la planète ont pris le parti de rehausser le taux d’intérêt qu’elles appliquent et de ralentir sur l’assouplissement quantitatif. En Europe, la BCE devrait continuer sur cette lancée en 2023. Charlotte de Montpellier anticipe en expliquant que Christine Lagare (présidente de la banque centrale européenne) et Isabel Schnabel (membre directoire dans l’institution financière) ont montré assez d’agressivité lors du dernier discours. D’après l’économiste d’ING, ce ton en dit long sur la volonté de la direction de la BCE de poursuivre avec le durcissement monétaire. Ainsi, cette année encore, la politique de la monnaie sera restrictive et agressive. Ce qui va impacter l’économie de l’Europe. Cette dernière sera ébranlée par l’augmentation des taux, toujours selon les dires de Charlotte de Montpellier. La BCE est donc sous pression pour se frayer un chemin entre la chute de l’activité et les objectifs de ramener l’inflation à un taux de 2 %.